1. L’ACTUALITÉ DU CONCEPT D’ÉVALUATION EN DIDACTIQUE DES LANGUES Dans cette rubrique, nous te proposons de faire le point sur le concept d’...
1. L’ACTUALITÉ DU CONCEPT D’ÉVALUATION EN DIDACTIQUE DES LANGUES
Dans cette rubrique, nous te proposons de faire le point sur le concept d’évaluation dans l’actualité de la didactique des langues. C’est un domaine qui évolue rapidement, dans la mesure où les modes de transmission de savoirs et d’appropriation de connaissances se diversifient selon le cadre et les conditions d’enseignement (auto-apprentissage ; classes dont les effectifs correspondent aux normes nationales en vigueur ; classe multigrade ; enseignement à distance ; formation en présentiel ...). En tant qu’enseignant, tu es régulièrement confronté à la nécessité d’évaluer les acquis et les apprentissages de tes apprenants. La première séquence du livret 6 t’offre une occasion pour faire le point de ce que tu sais déjà dans ce domaine. Elle te permet également de construire de nouvelles connaissances.
1.1. Qu’est-ce que l’évaluation ?
L’évaluation « est un processus qui consiste à recueillir un ensemble d’informations suffisamment pertinentes, valides et fi ables et à examiner le degré d’adéquation entre cet ensemble d’informations et un ensemble de critères adéquats aux objectifs fixés au départ ou ajustés en cours de route en vue de prendre une décision »
(de Ketele, 1989). Cette définition qui prend en compte non seulement la qualité des informations recueillies (pertinence, validité, fiabilité), mais aussi celle de leur traitement s’applique à tous les domaines d’activité dans une perspective d’amélioration des performances, des résultats.
S’agissant de l’évaluation des apprentissages, voici la définition qu’en donne Le dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde1, auquel nous avons déjà fait allusion dans les livrets précédents et qui constitue une référence en didactique : « l’évaluation des apprentissages est une démarche qui consiste à recueillir des informations sur les apprentissages, à porter des jugements sur les informations recueillies et à décider sur la poursuite des apprentissages compte tenu de l’intention d’évaluation de départ ».
De cette démarche, un grand principe directeur se dégage : pas d’acte d’enseigner ou d’apprendre sans évaluation, pas d’évaluation sans objectifs d’apprentissage clairement définis.
Le dictionnaire propose une démarche en quatre temps : l’intention, la mesure, le jugement et la décision.
Jean-Pierre Cuq, dans une conférence donnée en Egypte en 2007 sur l’évaluation2, les résume ainsi :
« - L’intention : c’est l’étape où on détermine les buts et les modalités de l’évaluation. Les modalités sont les choix de la mesure, des tâches à faire accomplir aux apprenants, et les moments où s’effectuera l’évaluation.
- La mesure : c’est l’étape de recueil des données, puis de leur organisation et de leur analyse.
- Le jugement : c’est la phase d’appréciation des données en fonction des buts et des objectifs de l’évaluation.
Cette phase est très délicate parce que le jugement doit être fondé le plus objectivement possible, c’est-à-dire en dépassant la simple intuition ou, pire, l’arbitraire.
- La décision : cette phase a plusieurs objectifs. Elle concerne d’abord le parcours de l’apprenant. Faut-il passer à une autre étape de l’apprentissage ? Mettre en oeuvre des activités correctives, et si oui à partir de quel niveau ? Pour tous les apprenants du groupe évalué ou pour certains seulement ?
Elle concerne aussi la mise en place des bilans : passage à des niveaux supérieurs, octroi de certifications et de diplômes, etc. ».
Si ce cadre légitime l’acte d’évaluation, il faut noter avec Louise Bélair que seule « la communication
1 Le dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde, s/d, Jean-Pierre Cuq, Clé International, 2003, 200, pp. 90-92.
2 La problématique de l’évaluation en didactique des langues, www.cfcc-eg.org/IMG/pdf/ Conference_JP_Cuq.pdf
demeure l’élément essentiel de sa réussite »3. C’est dans cette optique que ce livret a été conçu et élaboré.
Deux écueils guettent en effet l’évaluation des activités pédagogiques. Le premier est bien connu : c’est son caractère subjectif qui ne tient pas compte réellement des apprentissages effectués et de la progression réelle des apprenants. Le second, à l’opposé, consiste à se concentrer uniquement sur le caractère mesurable et objectivement quantifiable de la progression. Le caractère systémique de l’évaluation (instruments de mesure) ne doit pas en effet occulter la relation particulière engagée entre l’enseignant et ses apprenants dans le processus d’évaluation. Ce processus appelle, selon Louise Bélair, à « une nécessaire collaboration » entre enseignants et apprenants.
La cohérence de l’évaluation est garantie par un rapport direct entre les besoins (ressentis et objectifs) des apprenants, traduits en termes d’objectifs d’apprentissage et les programmes réellement effectués en termes d’enseignement. Cela parait une évidence (pourtant souvent contournée en classe) : on n’évalue pas autre chose que ce qui a été réellement appris. Le seul exemple d’une évaluation écrite qui finalise l’expression orale suffi t à montrer que des habitudes dans les pratiques de classe peuvent heurter ce principe de base. (Nous avons de nombreux exemples où l’expression orale est évaluée par écrit, ce qui prouve que ce principe de base n’est pas toujours respecté dans nos classes)
L’évaluation fait donc partie intégrante de tout processus d’enseignement / apprentissage qui se veut efficace.
1.2. Pourquoi évaluer ?
L’évaluation accompagne les différentes phases de l’apprentissage pour mieux les orienter et faciliter ainsi la tâche à l’apprenant dans le développement et la consolidation des compétences visées.
L’importance de l’évaluation réside dans le fait qu’elle participe à la qualité des apprentissages puisqu’elle permet, d’une part, d’en orienter les objectifs et d’agir sur les résultats obtenus en vue de les améliorer et, d’autre part, de donner à l’enseignant les moyens de vérifier constamment l’efficacité de son enseignement et d’en accroître la qualité. Elle ne peut donc être dissociée du processus enseignement / apprentissage. Si l’évaluation accompagne et doit guider les apprenants dans leurs apprentissages, elle doit aussi constituer pour l’enseignant un cadre de questionnement et, au besoin, de réajustement de sa pratique.
1.3. Les besoins et les objectifs
Les besoins et objectifs d’apprentissage font, en didactique du FLE, l’objet d’une attention particulière dans la mesure où ils permettent de replacer l’apprenant au centre de ses apprentissages. Ils mettent en évidence, dans la formation, la relation particulière que chaque apprenant entretient avec son parcours d’apprentissage dans une dynamique collective, par exemple, le contexte de la classe. Le plus souvent, dans un contexte scolaire, les besoins et objectifs sont cadrés par avance par les programmes que l’enseignant se doit de respecter. Il n’en reste pas moins que, si les objectifs globaux sont formalisés, les objectifs d’une séquence d’apprentissage, voire d’une séance, peuvent être laissés à l’appréciation de l’enseignant. Les objectifs d’enseignement et d’apprentissage doivent, à la fois, répondre aux besoins réalistes (pour développer la compréhension orale, il faut développer l’écoute), et tenir compte des besoins ressentis (motivation / démotivation, styles d’apprentissage) ainsi que du contexte d’apprentissage (milieu plurilingue / environnement en français / grand groupe, etc.).
Il n’est pas inutile, ici, de rappeler qu’un objectif d’apprentissage se traduit concrètement en termes de savoirs et savoir-faire détaillés. La compréhension orale ne constitue pas un objectif. Savoir écouter en situation
3 L’évaluation dans l’école, ESP, 1999, p. 2.