Pourquoi parle-t-on de FLE ? S'il y a une expression qui fait aujourd'hui partie du vocabulaire universitaire français tout en gard...
Pourquoi parle-t-on de FLE ?
S'il y a une expression qui fait aujourd'hui partie du vocabulaire universitaire français tout en gardant une bonne part de mystère, c'est bien celle de français langue étrangère. Français, on voit bien ce que c'est (encore que...), et langue étrangère, c'est à peu près clair. Mais du mariage un peu inattendu entre les deux, est né un être académique curieux, à qui il a bien fallu faire une (petite) place dans la famille, sans être vraiment sûr qu'il en soit digne. Comme tous les enfants dont on suspecte un peu les origines, il éprouve un fort besoin de prouver sa légitimité[1]. Comme tous les enfants issus de cultures différentes, il a plus ou moins conscience de représenter un prototype d'avenir.
Du vocabulaire universitaire français, disions-nous, ou tout au plus de celui des autres pays de langue maternelle[2]française. En effet, si le français est de façon évidente une langue étrangère, c'est pour ceux qui se l'approprient autrement que de façon native. Mais ceux-là ont conscience d'apprendre le français, et non le français langue étrangère, comme on apprend chez nous l'anglais ou l'italien et non pas l'anglais langue étrangère ou l'italien langue étrangère. Quant à ceux qui l'enseignent, s'ils sont francophones natifs, ce n'est pas une langue étrangère qu'ils enseignent, mais leur langue à des étrangers, et s'ils sont étrangers, ils sont dans le même cas
Que leurs élèves vis-à-vis cette langue .On voit par là que la langue française ne peut être le support objectif de classifications d’étrangère,et qu’il ne peut dès lors s’agir que du type de relation que ceux qui l’apprennent ou l’enseignent entièrement a priori avec elle.Ces derniers qu'est née, dans les années soixante, la discipline appelée français langue étrangère.
1.1. LA STRUCTURATION DIACHRONIQUE DU CHAMP
1.1.1. Comment le français devint langue étrangère
Observons d'abord que, traditionnellement, l'étranger (voire, dans l'antiquité, le barbare), est celui qui ne partage pas le même idiome, et cela peut aller, par degrés plus ou moins sensibles, du patois du village voisin à la langue la plus exotique. De ce point de vue, le mythe de l'universalité de la langue française et des valeurs qu'elle était seule censée véhiculer, a longtemps entretenu la fiction que le français n'était étranger à personne.
3. On préfère généralement ce terme à celui d'élève car il implique une posture active face à l'objet d'apprentissage et un autre type de relation avec l'enseignant. Pour la même raison on le préférera à celui d'enseigné qu'on trouve parfois dans la littérature spécialisée.
Et pourtant, les travaux récents des historiens du français langue étrangère ont montré comment, dans les pays d'Europe en particulier, notre langue a été enseignée comme une langue étrangère. On trouve par exemple.
dans les 22 premiers numéros de la revue de la SIHFLES4, Documents pour l'histoire du français langue étrangère et seconde, des travaux sur 12 pays européens (Allemagne, Angleterre, Ecosse, Espagne, Italie, Lituanie, Malte, Norvège, Pays-Bas, Suède, Suisse, Tchécoslovaquie), deux pays méditerranéens (Turquie, Palestine), trois pays d'Amérique (Canada, Chili, Colombie), deux pays d'Asie (Chine, Malaisie), des pays ou régions d'Afrique et de l'océan Indien (Afrique occidentale, Cameroun, Maurice), et même dans des provinces aujourd'hui françaises, l'Alsace et la Lorraine ! Certes, beaucoup reste à faire dans l'établissement de ces connaissances5, mais la répartition même de ces études montre que l'enseignement de notre langue à des étrangers et souvent par des étrangers, est une histoire ancienne, qui a nécessité beaucoup d'ingéniosité pédagogique, mais aussi, souvent, des efforts et des changements d'ordre culturel ou politique.[1]Les auteurs ont bien conscience que ce livre participe de cet effort.
[2]Sur cette dénomination, voir Cuq J.-R, Le Français langue seconde, Hachette, «F», 1991. Dabène L., Repères sociolinguistiques pour l'enseignement des langues, Hachette, «F»
1994.